Dans une tribune, l’ex-premier ministre congolais Matata Ponyo est revenu sur le découpage des provinces opéré en 2015 conformément à l’article 2 de la Constitution.

Le sénateur confie que le découpage des provinces était opportun.

Matata Ponyo, qui a retracé le contexte ce découpage, est revenu sur le fait que toutes les provinces ont été découpées, à l’exception des provinces du Kongo central, Nord Kivu, Sud Kivu et Maniema, notant que les trois dernières résultaient déjà d’un découpage en 1988 à titre expérimental de l’ancienne province du Kivu.

Il indique que le découpage des provinces, resté en hibernation depuis l’époque du Président Mobutu, s’est plutôt accéléré en 2014.

Quelles motivations ?

Pour certains, explique-t-il, « c’était pour des objectifs politiques visant à anéantir certains gouverneurs devenus puissants et ambitieux du fait du poids économique des provinces qu’ils dirigeaient ; pour d’autres, c’était pour des objectifs purement socioéconomiques cherchant à garantir le développement harmonieux des provinces », ajoutant que « quelles que soient les variables d’ordre politique qui se seraient glissées dans la résolution rapide de l’équation du découpage, celui-ci demeurait incontournable au regard des défis majeurs du développement des provinces. »

Il note que le découpage de ce vaste pays qui vaut 80 fois la Belgique et 5 fois la France, était très attendu et accepté par la majorité de la population, signifiant que l’une des raisons principales de ce découpage était de rapprocher les administrés des dirigeants au regard de l’étendue de toutes les provinces.

Quels résultats ?

Poursuivant, l’ancien premier ministre s’est interrogé pour savoir si, six ans après son entrée en vigueur, le découpage a réellement répondu aux attentes de la population.

A cette question, il a confié qu’il est difficile de répondre par l’affirmative lorsque l’on compare la situation économique et sociale des provinces avant et après le découpage : « A l’exception de quelques provinces bénéficiant principalement des retombées de l’exploitation de ressources minières comme le Lualaba, l’Ituri, le Haut-Katanga, le Nord Kivu, le reste des provinces, y compris Kinshasa, n’ont pas connu de réels progrès, bien au contraire », estime-t-il, expliquant que cela est principalement dû au déficit de leadership et de gouvernance.

Qui est le coupable ?

« A l’époque, au moment du découpage, je l’avais déjà dit : ‘’le découpage est pertinent, mais tout dépendra du type de gouverneur que l’on désignera à la tête de chaque province’’. Or, il s’observe que le choix de gouverneurs de provinces demeure globalement déficient », a-t-il fait savoir.

« Au lieu de privilégier le critère de compétence, le choix des gouverneurs est basé, pour l’essentiel, sur des critères subjectifs tels que : militantisme, témérité, affairisme, fraternité, amitié, etc. La plupart d’entre eux n’ont jamais géré auparavant même une petite structure, qu’elle soit privée ou publique. Certains gouverneurs n’ont jamais vécu dans les provinces avant de les diriger. Et sauf exception, les gouverneurs ne vivent pas avec leurs familles en provinces », a affirmé Matata Ponyo qui ajoute que « nombreux de ceux-ci, parachutés à la tête d’une province, sans savoir ce qu’il faut faire effectivement, se lancent souvent dans le militantisme politique et l’affairisme, laissant ainsi après leur départ les provinces dans un état pire que celui dans lequel ils les ont trouvées à leur nomination » dénonçant au passage que « l’objectif principal que s’assignent souvent les gouverneurs désignés est, d’une part, de garantir les assises politiques du pouvoir central à Kinshasa, et d’autre part, de se servir financièrement. »

S’agissant particulièrement de la gouvernance financière, il a souligné que les comptes des provinces, sauf quelques cas, sont généralement mal gérés, signifiant que « les régies financières créées dans chaque province constituent plutôt des caisses d’assistance politique et privée que d’agences d’appui au développement. »

Aussi, note-t-il, « les ressources rétrocédées du gouvernement central sont gérées de manière inefficiente qu’il est difficile de savoir à quoi elles servent effectivement. »

Pour y remédier, il estime qu’il faut absolument replacer la gestion des provinces dans la logique de développement, en choisissant par exemple les candidats gouverneurs en fonction de leur compétence, expérience et intégrité : « Ils doivent avoir une vision claire et des objectifs précis pour le développement de leurs provinces respectives en cohérence avec la vision et les objectifs de développement globaux du pays. »

Le sénateur ajoute que la gestion des ressources rétrocédées doit être rationnelle, et les organes de contrôle financier des provinces doivent fonctionner de manière efficace au lieu d’être au service de responsables de provinces, précisant que les assemblées provinciales doivent constituer plutôt de contre-poids des gouvernorats de province que d’être des alliés dans la mauvaise gouvernance.

Enfin, il réitère que le découpage des provinces était une décision politiquement judicieuse et qu’elle le demeurera vu sous l’angle du développement économique du fait que toutes les provinces découpées sont riches.

Il affirme par ailleurs que la pauvreté reste plutôt dans le type de leadership et de gouvernance : « Le jour que le choix des gouverneurs sera basé sur des objectifs de développement économique et non sur des considérations politiques, que la gestion des provinces sera compétitive et cotée sur base des résultats socio-économiques obtenus que sur le militantisme politique, le progrès économique de toutes les provinces sera inéluctable et rapide, tout comme celui de la RDC en général. En effet, on ne peut pas d’une part, rechercher le développement de la RDC, et d’autre part, œuvrer de manière inconsciente au sous-développement de ses provinces », conclut-il.

Retrouvez l’intégralité de sa tribune extraite du mensuel de Congo Challenge d’avril ici.




Job KAKULE

Job KAKULE - 06/04/2021 11:26 - Répondre 

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