Le Président de la République démocratique du Congo a dressé un bilan accablant de l’accord conclu entre la Grande-Bretagne et le Rwanda en matière d’immigration, qui, selon lui, a été conclu en échange du silence de Londres sur les exactions commises par le régime du président Kagame.

Felix Tshisekedi a décrit le dirigeant rwandais comme un dictateur criminel et sanguinaire. « Comment un pays aux grandes valeurs comme le Royaume-Uni peut-il faire des compromis avec de telles partenaires ? » a-t-il demandé alors que Suella Braverman se rendait au Rwanda pour finaliser l’accord sur le refoulement des immigrés clandestins. Il a accusé la Grande-Bretagne de « fermer les yeux » sur les abus de Kagame, sur le bilan antidémocratique de celui-ci et les atrocités commises par son armée supplétive dans l’est du Congo, riche en minerais.

Cette évaluation de Tshisekedi est diamétralement opposée à la description du Rwanda faite par la ministre britannique de l’intérieur qui qualifie ce pays-là « d’un modèle dans la région ». Tshisikedi, âgé de 59 ans, s’est entretenu avec The Times dans son bureau de Kinshasa. Ses observations ont été faites dans le contexte d’une offensive menée par le groupe militaire M23. Les Nations-Unies affirment que ce groupe est lié au Rwanda et qu’il a pris le contrôle de plusieurs territoires à l’est de la RDC, menaçant de déclencher une guerre totale entre les deux États voisins sur la base des mêmes divisions ethniques qui ont conduit au génocide rwandais en 1994.

Le dirigeant congolais a demandé des sanctions contre le Rwanda qui, selon les États-Unis, l’Union européenne et d’autres pays occidentaux, soutient et arme le M23. Le groupe a été impliqué dans des viols massifs, des massacres arbitraires de civils et le pillage des richesses naturelles. Au moins un demi-million de personnes ont fui leurs foyers depuis l’année dernière, période qui a vu une résurgence du groupe armé. Et pourtant le M23 fut battu il y a dix ans. « Il semble que l’accord sur l’immigration ait plus de valeur pour le Royaume-Uni que le soutien à la paix et à la stabilité en RDC », a déclaré Tshisekedi. Kagame a nié tout lien avec le M23 qui prétend protéger les tutsis congolais des hutus qui ont traversé en RDC après le génocide que les hutus ont commis en seulement 100 jours en 1994.

Le 23 mars 2009, le Congrès National pour la Défense du Peuple a signé un accord de paix avec le gouvernement de la RDC. Le M23 a été formé en avril 2012 lorsque près de 300 soldats ont fait défection contre le gouvernement de la RDC, invoquant les mauvaises conditions au sein de l’armée et le refus du gouvernement congolais de mettre en œuvre l’accord de paix de 2009.

Kagame dirige le Rwanda depuis 1994 et a impressionné les bailleurs internationaux en apportant la stabilité dans ce petit État de l’Afrique de l’Est, tout en gardant une main de fer sur le pouvoir. En 2015, la constitution du Rwanda a été modifiée, permettant ainsi à Kagame de rester au pouvoir jusqu’en 2034. Kagame a remporté la dernière élection présidentielle en 2017 avec 98 % des voix, selon les résultats officiels. Mme Braverman a déclaré qu’elle ferait part de ses préoccupations « en privé » à Kagame, mais a ajouté que les attitudes négatives à l’égard du Rwanda étaient fondées sur des « mythes ». Des rapports du groupe d’experts des Nations unies sur la RDC produits au cours de deux décennies ont impliqué le Rwanda dans la contrebande de minérais et de métaux précieux provenant du chaos qui règne dans l’est du Congo. 

Ces ressources se retrouvent sur le marché international, comme l’or et le colombo-tantalite, ou coltan, qui est utilisé dans la fabrication des téléphones portables. Le Trésor américain a récemment indiqué que plus de 90 % de l’or de la RDC « est acheminé en contrebande vers des États régionaux », dont le Rwanda, qui ne dispose pas de ressources naturelles significatives. Et pourtant cet or est raffiné au Rwanda et exporté vers les marchés internationaux.