Venus des villes de Beni et Butembo en province du Nord-Kivu à l'Est de la RDC 12 acteurs judiciaires dont des Inspecteurs de police judiciaire des auditorats militaires de garnison de Beni et Butembo, des agents de l’Agence nationale de renseignements ANR, de la Police et des FARDC. Parmi eux, 1 magistrat militaire du parquet, 3 magistrats civils du parquet, 3 inspecteurs judiciaires militaires, 2 agents de l’ANR et 2 éléments des FARDC. Neuf hommes et trois femmes, qui pendant 2 semaines (du 9 au 25 avril 2024), vont être formés aux différentes techniques spécialisées de l’enquête numérique et de l’analyse criminelle pour pouvoir les impliquer dans le traitement des dossiers judiciaires. Le lancement de cette formation est intervenu mardi 9 avril, au Quartier général de la MONUSCO à Beni.

Cette formation est justifiée par le fait que les groupes armés recourent depuis plusieurs années aux nouvelles technologies de l’information et de la communication. Or, la partie Est de la RDC est caractérisée par la présence des groupes armés locaux et étrangers, actifs qui mènent des attaques systématiques contre des populations civiles. L’analyse du mode opératoire de ces groupes a démontré qu’ils sont interconnectés et font recours aux nouvelles technologies de l’information et de la communication pour coordonner, planifier, exécuter et même revendiquer leurs attaques. Ces nouvelles technologies vont de la téléphonie mobile à l’utilisation massive des réseaux sociaux, ainsi que le recours aux outils informatiques les plus avancés en matière de falsification de documents. 

Le major magistrat Georges Nkuwa Milosi, Auditeur militaire de Garnison de Butembo, accueille à bras ouverts cette formation, qui selon lui, va indéniablement leur permettre d’être à la page : 

« Cette formation est d’une grande importance, parce que la criminalité physique évolue et est devenue un tout petit peu dépassée ; de plus en plus de crimes se commettent sur le plan virtuel, numérique. En tant qu’enquêteurs, nous sommes appelés non pas à marcher, pas courir, mais à voler aussi à la vitesse de la technologie actuelle. Parce-que les criminels, que ce soit dans le monde du terrorisme ou des autres infractions, recourent à ces moyens-là, pour commettre leurs forfaits. »

On le voit, le recours aux techniques d’investigations numériques est devenu aujourd’hui un élément essentiel dans la conduite des enquêtes judiciaires et la manifestation de la vérité, vu que ces techniques ne concernent pas seulement les indices collectés sur la scène de crime, mais également les ramifications criminelles au-delà. 

C’est pour faire face aux multiples défis relevés dans la conduite de certaines enquêtes complexes, que la Section d’Appui à la Justice de la MONUSCO, en droite ligne avec son mandat de renforcement des capacités des acteurs judiciaires pour une lutte plus efficace contre l’impunité, entend appuyer les efforts entrepris par les autorités judiciaires dans ce sens ; cela, à travers l’organisation de sessions de formations sur les investigations numériques et l’analyse criminelle, afin de moderniser les méthodes d’enquêtes liées au numérique et à l’analyse criminelle pour permettre de relier les éléments des dossiers judiciaires à des faits et auteurs donnés. 

Le major magistrat Georges Nkuwa Milosi estime que cette formation vient à point nommé, car elle « va nous aider à nous équiper, nous comme enquêteurs, pour pouvoir savoir comment manipuler les données numériques comme éléments de preuves, comment procéder aux enquêtes, et comment combattre aussi ces activités criminelles qui sont commises dans le monde virtuel. Parce-que nous sommes dans un terrain où le monde terroriste, depuis le recrutement jusqu’à l’opérationnalité, recourt toujours aux technologies de la communication moderne. Nous, enquêteurs, devons aller sur les mêmes instruments qu’ils utilisent pour pouvoir enquêter, les comprendre et les combattre sur ce monde virtuel. Voilà Cette formation arrive à point nommé ».

Yves Muntobo Peke, Premier substitut du Procureur de la République près le Tribunal de Paix de Beni, ne dit pas autre chose. Il exprime d’abord un regret, celui de n’avoir pas été formé sur les nouvelles technologies lorsqu’il apprenait le droit à l’université :

« Malheureusement, quand nous étudiions le droit, cette branche-là des nouvelles technologies, n’avait pas encore acquis l’importance qu’elle a aujourd’hui. »

Pour lui donc, cette formation est synonyme de rattrapage et de mise à niveau :

« Pour nous, cette formation est une mise à jour vraiment importante, une mise à jour qui nous permettra de savoir collecter les données, comment les conserver, comment les préserver afin qu’elles ne soient pas corrompues et qu’elles soient utilisables devant les juridictions. »

Il ajoute : « Cette formation est d’une très grande importance. Les crimes aujourd’hui se commettent tant sur le plan physique que sur le monde de l’internet. Nous sommes à l’ère du numérique. Il est question que nous, acteurs de justice, que nous puissions combattre à armes égales avec ces criminels. Certains crimes sont commis sur internet, avec utilisation des nouvelles technologies. »

La formation comporte une phase théorique qui vise à familiariser les participants avec les notions et techniques de base, et une phase pratique axée sur l’initiation des participants aux outils d’analyse ponctuée d’exercices pratiques.

Pendant deux semaines, les participants vont être formés sur les techniques d’investigations numériques et d’analyse criminelle. Ce renforcement de capacité vise à permettre à la justice (militaire et civile) congolaise et aux forces de l’ordre d’avoir des connaissances techniques et des outils de travail nécessaires pour assurer une conduite efficace des enquêtes, et favoriser la mise en place de cellules d’investigations numériques locales, capables d’apporter un appui technique aux enquêtes traditionnelles dans la lutte contre la criminalité et l’impunité des crimes graves. 

Au terme de cette formation, les organisateurs estiment que les participants devront être en mesure de connaitre par exemple les techniques spécialisées de l’investigation téléphonique, de connaitre les techniques de recherche, de collecte et de préservation des preuves numériques sur scène de crime, de savoir rédiger des rapports d’enquêtes numériques et des réquisitions téléphoniques, d’analyser des données numériques, d’apprendre les techniques d’auditions avec les suspects, témoins et victimes pour collecter les preuves numériques ou encore de connaitre les techniques de recherche cybernétique.

A noter que cette formation a été initiée et planifiée par la Section d'Appui à la Justice de la MONUSCO, avec l’appui financier de l’UNOPS, le Bureau des Nations Unies pour les services d'appui aux projets.

Jean-Tobi Okala chargé de l'information publique au sein de la MONUSCO à Beni.