Histoire 26 mai 2004 : Bukavu est le théâtre d'affrontements entre les FARDC et les éléments de Jules Mutebutsi

Ce jour-là, 26 mai comme aujourd'hui, mais en 2004, une dizaine de personnes trouve la mort dans les affrontements armés qui opposent l'armée régulière à un groupe de militaires fidèles au Colonel Jules Mutebutsi.

Parmi les victimes des affrontements, se trouvait le juge Kabamba, président de la Cour d'appel de Bukavu. 

A l'origine des combats, une altercation entre un groupe de militaires se réclamant du colonel Mutebutsi (Commandant en second de la 10ème Région militaire, mais suspendu de ses fonctions) et des soldats de la 10ème région militaire en faction sur le pont de la Ruzizi, servant de frontière entre la RD Congo et le Rwanda. 

Suspectant un déplacement aussi important de militaires armés et accompagnés de leurs familles, la garde en faction sur le pont de la Ruzizi avait cherché à connaître les raisons de ce déplacement massif et vérifier s'il était autorisé.

C'est ainsi que les tirs commencèrent, les éléments de Mutebutsi ne voulant pas obtempérer aux vérifications d'usage. 

Comment en est-on arrivé là??? Tout était parti de l'année 2003, lorsque le contexte politico-militaire de la RD Congo se modifie à la suite des accords de paix de Sun City.

Ces accords aboutissent au partage du pouvoir entre les ex-belligérants, notamment de RCD, le MLC et certains groupes Maï-Maï.

Au Sud-Kivu, la 10ème Région Militaire fut dirigée par un officier du gouvernement de Kinshasa (Général Prosper Nabyolwa, un ex-FAZ récupéré par l'AFDL), secondé par un officier du RCD, le Colonel Jules Mutebutsi.

Mais la cohabitation des officiers militaires issus des différentes factions posa problème. Des lignes de clivage ne tardèrent à faire jour. 

Début 2004 des soupçons selon lesquelles des caches d'armes seraient localisées dans certains quartiers habités par des ex-officiers du RCD, déclenchèrent de fréquentes opérations de perquisition, menées par la 10ème Région Militaire, commandée par le Général Nabyolwa.

La conduite de ces opérations le mit en conflit avec son adjoint, le Colonel Jules Mutebutsi, qui s'y opposa vivement, surtout lors de l'arrestation, le 21 février 2004, d'un officier du RCD (major Jeff Kasongo), chez qui il furent trouvées armes et munitions.

Le Général Nabyolwa procéda au transfert à Kinshasa du Major Jeff Kasongo, sans consulter son adjoint, Mutebutsi.

Ce nouveau développement des événements opposa ouvertement Nabyolwa et Mutebutsi, et marqua un début de panique dans toute la ville de Bukavu.

Au niveau des institutions nationales à Kinshasa, l'arrestation du Major Jeef Kasongo mobilisa de nombreux animateurs du RCD.

Ils allèrent jusqu'à rédiger une déclaration incendiaire sous forme de mémorandum, relayé par Moise Nyarugabo (porte-parole du groupe parlementaire du RCD).

Le RCD menaça de se retirer de toutes les institutions de la transition si l'officier fait prisonnier n'était pas libéré.

Dans la foulée, le Comité International d'Accompagnement de la Transition (CIAT) fit pression sur Joseph Kabila pour qu'il concède de relâcher le Major Jeef Kasongo, ce qui fut fait le 23 février 2004.

Dès le retour de Jeef Kasongo à Bukavu, la cohabitation devint difficile entre le Général Nabyolwa et son adjoint, le Colonel Mutebutsi, qui commença par désorganiser toutes les affectations des militaires dans les postes stratégiques de la ville de Bukavu.

Les militaires placés à la Place Mulamba, près de la résidence du Général Nabyolwa, furent éloignés et conduits vers la poste centrale de Bukavu.

Ceux affectés aux 2 frontières Rusizi (1 et 2) furent remplacés par des loyaux à Jules Mutebutsi.

Mutebutsi envoya un autre contingent de militaires à l'aéroport de Kavumu, pour parer à toute éventualité. 

Et dans la nuit du 23 février 2004, le Colonel Mutebusti lança les hostilités.

La résidence du Général Nabyolwa fut littéralement mitraillée et Bukavu fut secouée par des fusillades nourries à l'arme lourde.

Après que la MONUC ait joué aux apaisements, le 26 février 2004, une importante mission en provenance de Kinshasa, dirigée par le Général Sylvain Buki (Chef d'Etat-Major adjoint/Forces terrestres, issu de la composante RCD) se rendit à Bukavu, enquêter sur l'incident.

A l'issue de l'enquête, Kinshasa décida de remplacer le Général Nabyolwa à la tête de la 10ème Région Militaire par le Général Budja Mabe, tout en gardant le Colonel Mutebutsi comme adjoint.

Le Général Buja Mabe décida de poursuivre avec l'opération de fouille des caches d'armes.

C'est dans ce contexte de suspicions, d'insurrection larvée et de difficile reprise des affaires sécuritaires par le Gouvernement central de Kinshasa qu'au soir du 26 mai 2004, le Colonel Jules Mutebutsi déclencha les hostilités contre les FARDC.

Mutebutsi s'attaqua directement aux militaires au poste frontalier de Rusizi I.

Après les y avoir délogés, il étendit ses positions militaires dans la ville, près du Marché de Nguba et de Nyawera, alors que les militaires loyalistes se déployaient vers la Banque centrale.

Tandis que les combats se poursuivaient le lendemain dans la ville, les forces de la MONUC tentèrent de s'interposer entre les belligérants pour un cessez-le-feu.

Celui-ci parvint à être obtenu des deux parties et Mutebutsi cantonna ses hommes au Collège Alfajiri.

Mais dans l'entre temps, le Général Laurent Nkunda, à la tête de près d'un millier d'hommes armés, annonça "porter secours aux Banyamulenge en voie d'extermination" et vint en renfort à partir de la province du Nord-Kivu.

Sa progression fut assez surprenante et rapide. En 3 jours, défiant les FARDC en poste à Minova, Kalehe et Kavumu, le Général Laurent Nkunda atteignit Bukavu, le 2 juin 2004 et occupa les collines de Karhale surplombant la ville de Bukavu.

Le même jour, à l'aube, le cessez-le-feu fut rompu par les troupes de Mutebutsi.

Renforcés par les hommes du Général Laurent Nkunda, les militaires de Mutebutsi obligèrent les FARDC à se déployer hors de Bukavu jusqu'au 9 juin.

C'est seulement sur pression de la MONUC et du CIAT que les militaires "insurgés" se retirèrent de Bukavu.

Les éléments de Mutebutsi laissèrent derrière eux une ville littéralement pillée, le marché central de Kadutu incendié et des dizaines de femmes systématiquement violées.

Craignant les représailles, plus de 500 habitants de Bukavu, en majorité des Banyamulenge, trouvèrent refuge au Rwanda.

Le même jour, le Colonel Jules Mutebutsi, en compagnie d'un de ses proches officiers, le Major Venant Bisogo, quittèrent nuitamment la ville de Bukavu, par les escarpements de Ngomo et atteignirent la localité de Kamanyola.

Là, ils s'affrontèrent à nouveau avec des soldats de la 8ème Brigade FARDC, appuyés par la MONUC.

Vaincus, le Colonel Jules Mutebutsi et le Major Venant Bisogo se refugièrent au Rwanda, accompagnés d'une centaine de militaires.

(Avec Benjamin Babunga, via www.babunga.alobi.cd)