La signature de l’accord de Paix entre la RDC et le Rwanda sous la médiation des Etats-Unis, saluée par plusieurs personnalités dans le monde et même en RDC qui présentent ce dernier comme une étape importante dans la restauration de la paix dans le pays et dans la région des Grands Lacs, ne convainc pas tout le monde.

C’est à l’image de Denis Mukwege, ancien candidat à la Présidentielle de 2023, qui explique qu’en signant cet accord, le gouvernement congolais « abandonne sa souveraineté aux mains des forces d’agression. »

Dans une tribune, le Prix Nobel de la Paix, qui soutient que la crise en cours en RDC « s’inscrit dans un continuum des précédentes guerres d’agression dont est victime la RDC depuis 30 ans, et qui ont fait du Congo le conflit le plus meurtrier depuis la 2ème guerre mondiale », a fait remarquer qu’à l’exception de l’Accord-cadre d'Addis Abeba pour la paix, la sécurité et la coopération, signé en 2013 ; les précédents accords de paix, de Sun City à Lusaka en passant par Kampala et Goma, ont systématiquement été motivés par des intérêts à court terme en ayant recours à des amnisties, à des promotions de seigneurs de guerre au sein des institutions de l'État et à l’intégration d'éléments de groupes armés dans les forces de défense et de sécurité congolaises, en sacrifiant la justice sur l'autel de la paix.

Denis Mukwege, qui a récemment exprimé son inquiétude vis-à-vis de cet accord, a réitéré qu’une paix juste et durable ne peut se faire à n’importe quel prix : « Nous avons à maintes reprises averti l’opinion publique congolaise et la communauté internationale de notre scepticisme face au caractère opaque et non inclusif des négociations en cours. […] Nos craintes semblent avoir été fondées car cet accord ne se base pas sur la reconnaissance par le médiateur américain qu’il y a un État agresseur, le Rwanda, qui défie chaque jour le droit international en totale impunité, et un pays agressé, la RDC qui subit de plein fouet les effets néfastes d’une géopolitique cynique », a-t-il avancé.

« Si, en apparence, l’accord de paix signé aujourd’hui semble se baser sur le respect de l’intégrité territoriale et prévoit la cessation des hostilités entre la RDC et le Rwanda, et que les deux parties au conflit sont amenées à s’engager à ne plus soutenir les groupes armés – les FDLR du côté congolais et le M23 du côté rwandais – diverses dispositions montrent que les graines de la prolongation du conflit sont déjà plantées », poursuit-il affirmant que le retrait de l’armée rwandaise du territoire congolais – qui devrait être immédiat et sans condition selon les prescrits de la résolution 2773 du Conseil de Sécurité des Nations Unies adoptée le 21 février 2025 – semble dorénavant être conditionné à la neutralisation des FDLR, par le truchement d’un mécanisme conjoint de sécurité (RDC/Rwanda) qui autorise l’armée rwandaise à opérer sur le sol congolais.

Denis Mukwege explique par ailleurs que le démantèlement du M23 dépendra des négociations parallèles à Doha « dont l’issue est incertaine car dépendant largement du bon vouloir du Rwanda », qui tirent les ficelles de ce groupe armé, même s’il n’a jamais reconnu son soutien ; et accuse le gouvernement congolais de sacrifier la souveraineté nationale :  « Nous pouvons dire qu’en signant cet accord, le régime de Kinshasa a abandonné sa souveraineté aux mains des forces d’agression, et légitimise l’occupation et les opérations d’une armée à la base de millions de morts, de centaines de milliers de femmes violées et du déplacement de millions de congolais », a déploré le prix Nobel de la Paix.

Il dénonce également des dispositions portant sur une cogestion des ressources naturelles avec le Rwanda, qu’il présente comme responsable du pillage systématique des ressources minières de la RDC depuis 30 ans. : « Sous couvert de coopération économique, de sécurisation des chaînes d’approvisionnement en minerais et de création de chaînes de valeur intégrées et transparentes, les minerais congolais seront exportés pour ne pas dire ‘’bradés’’ à l’état brut vers le Rwanda, qui procédera à la transformation et à l’exportation de produits semi-finis ou finis vers le reste du monde. L’État rwandais agresseur-pilleur bénéficiera donc, avec le blanc-seing de Kinshasa, des bénéfices de la valeur ajoutée des minerais congolais, dans une logique extractiviste néocoloniale qui fera perdurer le sous-développement en RDC », déplore-t-il.

Enfin, Denis Muwkege appelle à une prise de conscience du peuple congolais et à la responsabilité dans le chef du gouvernement et du Président de la République, expliquant à demi-mots « qu’il faut revoir ce dernier » : « En vertu de notre loi fondamentale (art 214), le règlement de conflits internationaux ne peut être ratifiés ou approuvés qu’en vertu d’une loi, et donc doit être préalablement soumis aux élus de l’Assemblée Nationale congolaise. Je rappelle aussi que tout accord qui aurait pour conséquence de priver la Nation de tout ou partie de ses propres moyens d’existence tirée notamment de ses richesses naturelles est érigé en infraction de pillage et que ces actes ou leurs tentatives sont punis comme infraction de trahison (art.56 et 57). Dans l’éventualité où nos autorités ne respectent ni la Constitution, ni le droit international, nous serons contraints d’appeler le peuple à une véritable révolution démocratique pour exiger de recouvrer notre souveraineté et notre intégrité territoriale », conclut-t-il soutenant que cet accord de paix « n’augure pas d’une sortie de crise », et appelant ainsi à revitaliser l’Accord Cadre de 2013 pour la paix, la sécurité et la coopération pour la RDC et la région, et à organiser une conférence internationale de haut niveau, avec la facilitation des institutions, notamment l’Union Européenne, et des pays garants, qui incluent la Belgique, la France, le Royaume Uni, et les Etats-Unis.




Joseph Seven

Joseph Seven - 28/06/2025 19:58 - Répondre 

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