Le gouverneur militaire du Nord-Kivu a promulgué le budget provincial pour l’exercice 2026, évalué à plus de 440 milliards de francs congolais. Élaboré après trente jours de travaux de conférence budgétaire, ce budget est présenté comme un véritable exploit au regard des conditions exceptionnelles de guerre et de terrorisme que connaît la province sous état de siège. Il prévoit des investissements dans les infrastructures routières et aéroportuaires, le logement, l’accès à l’eau potable, l’énergie ainsi que le secteur social. L’exécutif provincial le présente comme un message d’espoir pour la population, malgré un contexte sécuritaire et humanitaire toujours préoccupant.
Selon maître David Kamuha, superviseur des travaux, il s’agit d’un budget équilibré en recettes et en dépenses, qui met en avant l’importance de la gouvernance participative dans la réalisation des projets programmés. « C’est l’art du gouverneur militaire qui implique ses administrés dans les réalisations », souligne-t-il.
Le budget prévoit des investissements dans plusieurs secteurs clés : la construction et l’amélioration des routes de desserte agricole et d’interconnexion des provinces, la modernisation des aéroports, la construction de logements, les projets d’adduction d’eau et de desserte en énergie électrique, les projets agricoles et d’investissements, ainsi que le secteur social.
Malgré ces avancées, ce budget ne fait pas l’unanimité au sein de la classe politique provinciale. Un député ayant requis l’anonymat qualifie ce plan financier de « crédit provisoire », estimant qu’il ne répond pas aux exigences d’un budget provincial normal. Selon lui, l’élaboration du budget s’est faite sans consultation des députés, dans un contexte où l’état de siège empêche le fonctionnement normal de l’Assemblée provinciale. Il dénonce également un manque de mécanismes de contrôle et redoute des détournements de fonds.
« Il s’agit d’un crédit provisoire et non d’un budget normal comme ils le sous-entendent. Il est irréaliste. Ce crédit provisoire est destiné aux affaires courantes. Pour moi, c’est un crédit provisoire irréaliste. Il n’y a pas de contrôle : les militaires sont au four et au moulin. Même l’exécutif provincial, qui peut mobiliser les recettes avec certains services, est chapeauté par les militaires. Nous en avons marre de l’état de siège. On doit lever cela pour avoir un vrai budget voté par les députés provinciaux », affirme-t-il.
En réaction, le gouvernement provincial du Nord-Kivu juge inopportun d’ouvrir un débat sur la nature du budget promulgué, rappelant que la province évolue sous un régime d’exception clairement encadré par la loi. Selon l’exécutif, malgré l’état de siège, les institutions continuent de fonctionner normalement et les projets programmés produisent déjà des résultats visibles sur le terrain.
« Je trouve inopportun d’y apporter des commentaires, au moment où la loi instituant l’état de siège est claire. Chaque institution connaît son rôle. Ce n’est qu’un jeu de mots, mais la province fonctionne et les projets à impact visible sont clairs. Il n’est pas question de m’engager dans une discussion avec les élus du peuple. Ils connaissent bien et maîtrisent très bien les lois de la République », indique le gouvernement provincial.
Du côté de la société civile, les forces vives du secteur de Rwenzori adoptent une position d’attente. Elles disent espérer que les projets annoncés seront effectivement mis en œuvre et appellent à une gestion responsable des ressources publiques, dans une province confrontée à de multiples défis sécuritaires et sociaux. « C’est une occasion de remercier le gouverneur pour avoir rendu public ce budget. Les anciens budgets de la province que j’ai vus ne correspondent pas au nouveau budget présenté. Mais si cela correspond aux besoins de la communauté du Nord-Kivu et que la gestion est loyale, cela ne pose aucun problème », explique le président des forces vives, Mr Ricardo RUPANDE.
Il souligne néanmoins l’ampleur des besoins de la province. « La province a besoin de beaucoup d’argent pour subvenir aux besoins de la communauté, car nous avons des problèmes de routes, de l’aéroport de Beni et de guerre. Si le gouverneur estime que ce montant peut répondre aux besoins de la province en termes de paix, de personnel et d’activités de développement, cela va. S’il estime qu’il peut tenir avec ce montant, nous le tiendrons à l’œil et nous allons le constater. Même s’il y a la guerre, on ne peut pas ignorer les activités de développement », ajoute-t-il.
Pour rappel, la loi sur l’état de siège permet, en effet, des dérogations pour des dépenses urgentes liées à la défense et à la sécurité, souvent via des projets de loi de finances rectificatives ou des mesures spéciales approuvées par le Parlement lors des prorogations, comme l’indique l’Ordonnance-Loi du Président Tshisekedi de 2025 pour le Nord-Kivu et l’Ituri.