Thomas Luhaka, Président honoraire de l’Assemblée Nationale congolaise et Député National, s’est exprimé sur la très controversée proposition de loi Tshiani communément appelée « De père et de mère. »

Pour rappel, Noël Tshiani, ancien candidat malheureux aux élections présidentielles de 2018, avait réussi à déposer, à travers le député national Cerveau Nsingi Pululu, une proposition de loi réservant certaines fonctions importantes de l’Etat exclusivement à des citoyens congolais ayant comme père et mère des congolais.

Il projette même une manifestation mi-mars devant l'assemblée nationale pour que sa proposition de loi soit alignée à la session parlementaire de mars prochain.

En d’autres termes, les candidats à ces fonctions stratégiques doivent être 100% congolais.

Parmi ces fonctions publiques réservées aux congolais de père et de mère sont : la Présidence de la République, la Primature, la Présidence du Sénat et de l’Assemblée Nationale, de la Cour constitutionnelle et  les grades des généraux au sein de l’armée.

Noël Tshiani Muadiamvita, souligne Thomas Luhaka, justifie sa démarche par la volonté de protéger la souveraineté nationale et l’intégrité territoriale de notre pays.

Cet ancien haut cadre de la Banque Mondiale considère que la loyauté vis-à-vis de l’Etat des congolais dont l’un des parents est étranger serait hypothétique et douteuse.

Il faut dire que cette proposition de loi a suscité et suscite encore, au sein de l’opinion publique un débat passionné et des prises de positions tranchées.

En tant qu’acteur politique, Thomas Luhaka, a avancé des arguments d’ordre juridique et politique pour lesquels il ne soutient pas cette proposition de loi de Noël Tshiani.

Pour lui, cette proposition de loi viole la Constitution en ses articles 12 et 13 portant notamment sur l’égalité de tous devant la loi.

« Cet article qui parle de ‘tous les congolais’ ne fait aucune distinction entre les congolais ‘de père et de mère’ et les congolais ‘de père ou de mère’. Vouloir, par une loi, créer une distinction non prévue par la Constitution, c’est violer la Constitution. Il n’est pas nécessaire d’avoir un doctorat en droit ou être un juriste avéré pour comprendre que la proposition de loi Tshiani, créant de nouvelles catégories (des congolais à 100% et des congolais à 50%) viole l’égalité de tous les congolais devant la loi prévue par l’article 12 de la Constitution », a-t-il avancé.

Aussi, poursuit Thomas Luhaka, cette proposition de loi viole l’égalité d’accès aux fonctions publiques.

« Il est établi que la proposition de loi Tshiani est discriminatoire en excluant de certaines fonctions publiques, en raison de leurs origines familiales, les congolais dont l’un des parents est étranger. En se référant au père ou à la mère d’un candidat à une fonction publique, on se réfère à son origine familiale pour le discriminer ; ce qui est strictement interdit par l’article 13 de notre Constitution. Donc la proposition de loi Tshiani, en créant cette discrimination, viole la Constitution », explique-t-il, soulignant que cette proposition de loi ne peut être recevable qu’à condition de modifier les articles 12 et 13 par une révision constitutionnelle.

« Et on connait la lourdeur de cette procédure », lance-t-il.

Thomas Luhaka soutient par ailleurs que la proposition de loi Tshiani a des fondements racistes et ne se justifie pas politiquement.

« Considérer que la souveraineté nationale et l’intégrité territoriale de la RDC seraient mieux protégées par les congolais « de père et de mère » parce que ceux-ci seraient plus loyaux à la République que les « sangs mêlés » (congolais de père ou de mère) revient à dire que la loyauté d’une personne à la République est liée à la qualité de sang congolais qu’il aurait en lui. Les 100% congolais (c'est-à-dire de père et de mère) seraient plus loyaux et défendraient mieux les intérêts de la République Démocratique du Congo que les 50% (de père ou de mère) », argumente-t-il, rappelant que cette théorie renvoie au régime Nazi d’Adolph Hitler qui avait pour conséquences l’holocauste.

« Puis-ce que le juif est prisonnier de son sang qui le rend mauvais, la solution finale est de le tuer. C’est la même justification utilisée pour le génocide rwandais », indique Thomas Luhaka qui estime que l’auteur de cette proposition de loi, vu sa formation académique, son parcours professionnel remarquable et son ouverture d’esprit, ne partage pas cette idéologie rétrograde.    

Thomas Luhaka soutient que thèse de Noël Tshiani selon laquelle les citoyens congolais de sang pur (100%) seraient plus loyaux et défendraient mieux et plus les intérêts de la RDC que les citoyens congolais de sang mélangé, devaient s’appuyer sur des exemples solides récoltés dans l’histoire de la RDC, ce qui, pointe-t-il, n’est pas le cas.

« L’auteur de ce projet devrait par exemple nous prouver en quoi Léon Kengo wa Dondo (fils d’une congolaise et d’un belge), a, comme premier ministre, moins bien défendu les intérêts de la RDC que Faustin Birindwa, un 100% ? En quoi Abdoulaye Yerodia Ndombasi (fils d’une congolaise et  d’un sénégalais) a été moins patriote, moins nationaliste, que Bertrand Bisimwa, Président du M23, et 100% congolais ? En quoi, dans l’armée, le général Kikunda Ombala (mère congolaise et père belge), le général Mulamba Pene Lowa (mère belge et père congolais), le général Michel Elesse (mère congolaise et père belge) et le Colonel Mamadou Ndala (mère congolaise et père sénégalais) ont été moins bons officiers et moins patriotes que les autres généraux de père et de mère ? », s’interroge-t-il.

« En conclusion, on voit bien que cette proposition de loi n’a pas de raison d’être par manque des fondements juridiques et politiques. La loyauté des autorités publiques ne sera garantie que par une éducation civique approfondie et l’assurance des sanctions, positives ou négatives, sans distinction aucune de la quantité de sang congolais qu’elles auraient dans les veines (100%, 50%, 25% …). L’amour de la patrie est une question morale et non un problème biologique », conclut-il.

Réagissant, Noël Tshiani a expliqué que « traiter cette proposition de loi de raciste et de violation de la constitution, c’est faire preuve d’insuffisance de compréhension de ses objectifs et de son contenu. »