Ce jour-là, 17 février comme aujourd'hui, mais en 2020, le chanteur gospel rwandais KIZITO MIHIGO est retrouvé mort dans sa cellule, au poste de la police de Remera (à Kigali) où il était détenu. Il était alors âgé de 38 ans.

KIZITO MIHIGO était déjà accusé de trahison en voulant rejoindre un mouvement armé contre son pays.

Il avait tenté de quitter le Rwanda en passant par le Burundi, mais sera intercepté et placé en détention, 3 jours avant que son décès ne soit déclaré.

KIZITO MIHIGO naît en juillet 1981 à Kibeho (dans l'ancienne préfecture de Gikongoro, aujourd’hui Province du Sud, au Rwanda).

Troisième de 6 enfants, ses parents sont Augustin Buguzi et Placidie Iribagiza.

À l'âge de 9 ans, il commence à composer des chansonnettes, mais ce n'est que 5 ans plus tard, lorsqu'il est élève au Petit Séminaire de Butare, qu'il devient l'organiste compositeur liturgique le plus populaire dans l'Église catholique au Rwanda.

En 1994, il perd sa famille et devient orphelin lors du génocide des Tutsis au Rwanda.

Il s’échappe au Burundi où il retrouve des membres de sa famille ayant survécu.

Il tente en vain de rejoindre l’Armée Patriotique Rwandaise (APR) pour venger sa famille.

En juillet 1994, il retourne au Rwanda. Après l’école secondaire, il s’inscrit au séminaire pour devenir prêtre.

En 2001, KIZITO MIHIGO participe à la composition de l’hymne national rwandais et il est ensuite envoyé faire des études au Conservatoire de Musique de Paris par les autorités rwandaises.

À Paris, il suit les cours d'orgue et de composition dans la classe de Françoise Levechin-Gangloff (titulaire des grands orgues de l'Église Saint-Roch de Paris, professeur au Conservatoire national supérieur de musique et de danse de Paris et Présidente du Conservatoire international de musique de Paris).

Il entame ensuite une carrière musicale internationale basé en Belgique.

En 2011, MIHIGO s'installe définitivement au Rwanda, et devient une personnalité artistique respectée par la population et par le pouvoir.

Il est régulièrement invité pour chanter dans toutes les cérémonies nationales de commémoration du génocide.

Mais son rapprochement avec le pouvoir lui vaut beaucoup de critiques venant de ses fans chrétiens qui regrettent une certaine déviation de leur compositeur liturgique vers des thèmes de plus en plus politiques.

En 2012, KIZITO MIHIGO devient animateur télé. Il anime l'émission "Umusanzu w'Umuhanzi" ("La contribution de l'artiste"), une émission hebdomadaire de la télévision nationale produite par la fondation portant son nom (KMP).

C'était une émission au cours de laquelle le chanteur commentait les concerts avec les prisonniers et les élèves et ouvrait un débat avec des leaders religieux visant à trouver, ensemble, le rôle des religieux dans la construction de la Paix.

En mars 2014, KIZITO MIHIGO publie sur YouTube une nouvelle chanson intitulée "Igisobanuro cy'Urupfu" ("La signification de la mort"), dans laquelle le chanteur critique la version officielle du génocide des Tutsis, et réclame la compassion pour toutes les victimes dont celles du génocide, mais aussi celles des vengeances.

La chanson est rapidement interdite par les autorités rwandaises et aussitôt effacée sur YouTube.

Un mois après, il est porté disparu. Il sera présenté aux journalistes par la police, accusé d’avoir planifié des attaques terroristes et d’avoir collaboré avec les Forces Démocratiques de Libération du Rwanda (FDLR) et le parti politique Rwanda National Congress (RNC) en vue de renverser le gouvernement.

A l'ouverture de son procès, KIZITO MIHIGO plaide coupable de toutes les charges retenues contre lui et demande la clémence du jury.

Ses avocats, eux, disent ne pas trouver les éléments constitutifs d'une infraction. Les trois co-accusés du chanteur plaident tous non coupables et dénoncent la torture.

Le ministère public reprochait au chanteur d'avoir eu des conversations via internet avec un membre du RNC (Rwanda National Congress), parti d'opposition en exil que Kigali qualifie de terroriste.

En février 2015, il est condamné à 10 ans de prison, après avoir été reconnu coupable de conspiration contre le gouvernement du président Paul Kagame.

En septembre 2018, il est libéré par la grâce présidentielle, en compagnie de l'opposante Victoire Ingabire Umuhoza.

(Avec Benjamin Babunga, via www.babunga.alobi.cd)