![[Tribune] Procès Kabila : Un triste spectacle de la faillite morale d'une nation (Claudel Lubaya)](/media/posts/68bc5f6803d39581416505.jpg)
Par Claudel Lubaya
En août dernier, la Nation congolaise a été le témoin d'un spectacle tragi-comique orchestré par le pouvoir : le soi-disant « procès Joseph Kabila. »
Derrière la façade d'une procédure judiciaire, cette mise en scène a pris une dimension symbolique, révélant une volonté de falsifier l'histoire, une faillite morale et un aveuglement collectif qui menacent notre conscience nationale.
Telle qu'elle a été menée, même par contumace, cette mise en scène a été tout, sauf un procès.
Elle a manqué de sérieux, de rigueur et de lucidité, bafouant ainsi tous les codes de conduite en la matière.
Les articles 19 de la Constitution, 10 de la Déclaration universelle des droits de l'homme, 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, et 7 de la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples ont tous été violés.
Ce fut un véritable chaos judiciaire dont les seuls tenants du pouvoir connaissent les réels objectifs.
Pour les Congolais non infectés par les bactéries de la manipulation, ce spectacle a révélé les signes de décadence d'un pouvoir qui s'évertue chaque jour à diviser notre nation.
Ce qui aurait dû être une affaire judiciaire est devenu, tout au long de l'instruction, une compilation des narratifs construits autour d'un nationalisme frelaté et d'un faux pseudo patriotisme, le tout servi avec une tambouille victimisation, visant à détourner l'attention du peuple des véritables défis quotidiens.
Le pouvoir avait déjà montré son intention de réécrire l'histoire du pays.
Le 30 juin 2025, lors de la commémoration de l'indépendance, la télévision nationale a diffusé les images des anciens présidents de la république, à l'exception de Joseph Kabila.
Il ne s'agit pas d'un simple oubli. C'est l'histoire entière de notre pays qui est falsifiée, et notre mémoire collective bafouée.
La mémoire historique d'un peuple, même dans ses moments les plus sombres doit rester complète, jamais sélective.
Supprimer l'image de Kabila ne l'efface pas de l'histoire. Au contraire, cette exclusion montre à quel point celle-ci peut être manipulée en fonction des intérêts du moment.
Cette manœuvre est non seulement un aveu de faiblesse, mais elle trahit notre incapacité à assumer notre passé dans sa globalité.
L'Histoire de notre pays n'appartient pas aux hommes politiques, encore moins au pouvoir en place. Elle est notre bien commun.
La falsification de l'histoire a atteint son point culminant au tribunal lorsqu'en pleine audience, des avocats-activistes luba du Kasaï, reconnaissables par leurs toges et leur militantisme au sein du parti au pouvoir se sont lancés dans une diatribe négationniste sans commune mesure.
En violation de toutes les règles déontologiques de leur profession, ils ont remis en question l'identité même de « l'accusé » : son nom, son prénom, sa filiation, ses origines.
Poussant l'absurdité à son paroxysme, ils ont même prétendu que Joseph Kabila est un « espion rwandais ! » Cette séquence, tristement relayée par les médias officiels est le symptôme de la déchéance morale et éthique qui gangrène notre société.
Les hérésies proférées par ces avocats sous le regard complice de la Haute Cour Militaire, témoignent de l'effondrement total de la profession d'avocat et du système judiciaire dans son ensemble.
Comment expliquer le silence de hauts magistrats de la Haute Cour Militaire qui ont laissé passer ces activistes tenir des propos aussi graves et attentatoires à la dignité de l'accusé et à la mémoire de la République ?
Comment comprendre le mutisme des barreaux auxquels appartiennent ces avocats et du Conseil national de l'ordre face à un manquement aussi flagrant aux règles déontologiques ?
Ce silence ne peut s'expliquer que par la mainmise du pouvoir sur les professions libérales. C'est l'aveu d'un abrutissement collectif consenti et assumé.
Pourtant, à l'inverse de simples "marchands de droit", les juges et les avocats sont tenus au respect d'une déontologie rigoureuse.
C'est précisément cette exigence qui a fait défaut dans le cadre de cette comédie judiciaire.
Magistrat suprême, le président Tshisekedi porte l'entière responsabilité de ces dérives, car il a lui-même cautionné de tels agissements.
La Nation a le droit de savoir de qui a-t-il reçu les clés du Congo les 24 et 25 janvier 2019 ?
Était-ce d'un « espion rwandais » ou d'un citoyen congolais, président sortant ? Lui seul peut également éclairer la Nation sur celui qui fut son « partenaire de l'alternance », lorsqu'il s'adressait dans son discours d'investiture à Joseph Kabila.
Est-ce à la même personne ou c'est à « l'espion rwandais » qu'il s'adressait ? Que fait-il de la période allant de janvier 2001 à janvier 2019 ? Le Congo avait-t-il cessé d'exister pendant ces années-là ? Y avait-il un président ou non ? Et si oui, quel était son nom ? Va-t-il créer une commission spéciale pour réécrire notre histoire, et pour couvrir cette période ?
A moins de s'assurer que sa succession en 2028 passe par son fils, sa fille ou même son épouse, quelle garantie a-t-il qu'après lui, après avoir planté une si mauvaise graine dans la vie de la Nation, il pourrait échapper au même sort ?
L'histoire, dit-on, est un éternel recommencement.
A travers cette parodie de justice, le pays a offert au monde l'image d'une nation déchirée par l'instabilité politique, d'un échec flagrant de l'alternance et d'une absence de probité.
Le résultat est clair : notre Nation s'en trouve fragilisée, avec des institutions faibles et manipulables par un seul homme et pour son seul intérêt.
Quelle que soit l'issue de ce simulacre de procès, il restera comme le symbole de nos défaillances collectives, de nos incapacités assumées et de nos faiblesses profondes.
Il incarne les choix imprudents et inintelligibles qui ont mené le pays à la faillite et qui pourraient, si nous n'y prenons garde, le conduire à sa propre déflagration.
Par Claudel Lubaya