Ce jour-là, 7 juillet comme aujourd’hui, mais 1965, Laurent-Désiré Kabila rejoint, enfin, Ernesto Che Guevara, au front.

Il venait de Dar es-Salaam et Kigoma, accompagné de Masengo, le nouveau chef d’état-major de son mouvement.

(Tiré des extraits du livre "Le Rêve Africain du Che", Page 93).

A son arrivée, Kabila se montre cordial mais réservé. Nous discutons rapidement de notre première rencontre de Dar es Salaam.

Il semble néanmoins excité et me demande ce que je voudrais faire. Evidemment, je lui répète ma vieille cantilène : je veux aller au front.

La mission la plus importante et la plus utile que je puisse accomplir est de former des cadres, et c’est à la guerre, au front, et non à l’arrière-garde qu’ils doivent être formés. Kabila émet des réserves, car un homme tel que moi, si utile pour la révolution mondiale devrait se ménager.

J’argumente que mon intention n’est pas de me battre en première ligne, mais d’être en première ligne avec les soldats, que j’ai assez d’expérience pour savoir comment me ménager, que je ne recherche pas les lauriers de la guerre mais je veux accomplir la tâche très concrète que j’estime être la plus utile pour lui, puisque le but est de former des cadres efficaces et dévoués.

Il m’annonce alors que nous allons faire une série de déplacements ; nous irons visiter tous les fronts à l’intérieur.

Il a prévu que nous nous rendions cette nuit même dans la zone de Kabimba, pour commencer.

Or, nous ne partons pas cette nuit, ni la suivante d’ailleurs, pour un motif quelconque, et la nuit d’après, il rencontre les paysans pour leur exposer les conclusions de la conférence du Caire et clarifier quelques doutes.

Il finira par envoyer, provisoirement, Ali dans la zone de Kabimba avec dix hommes en vue d’une opération sans grande prétention ; le lieutenant Kiswa se rend de son côté à Uvira pour une mission de reconnaissance.

Je n’ai jamais douté des capacités révolutionnaires de Kabila, je ne dis pas cela pour le défendre.

Je n’ai jamais mis en doute sa capacité de diriger, par contre j’ai toujours pensé qu’il s’adaptait et qu’il n’avait pas assez d’expérience militaire.

C’était plutôt un agitateur, avec une étoffe de dirigeant politique, mais qui manquait de sérieux, d’aplomb, de connaissance, de ce talent inné que l’on pouvait constater chez Fidel Castro dès le début et que l’on trouvait aussi chez d’autres dirigeants de la guérilla.

C’était plutôt un dirigeant politico-militaire, certes militaire, mais plus politique et qui avait vécu l’insurrection urbaine. La conspiration urbaine est une chose, diriger la guérilla en est une autre.

Après, j’ai compris cela et je me confiais de moins en moins à lui.

Au matin du 11 juillet, à ma grande surprise, Kabila m’annonce de son départ à Kigoma.

Il m’explique alors que Soumialot est à Kigoma, il le critique sévèrement pour ses erreurs au niveau organisationnel, sa démagogie et sa faiblesse.

Il me dit qu’il est impérieux qu’il parte car il tient à clarifier définitivement avec Soumialot la question de la division du travail. Kabila avait pourtant laissé échapper dans la conversation la veille que Soumialot était déjà retourné à Dar es-Salaam.

Je lui demande, un brin sarcastique, comment il va faire pour traverser le lac, avoir une entrevue avec Soumialot à Dar es-Salaam et revenir ici, tout cela en une journée.

Il me répond qu’il n’est pas certain que Soumialot soit déjà retourné à Dar es-Salaam que si c’est le cas, alors il devra aller là-bas, mais qu’il reviendrait immédiatement après.

Lorsque tous apprennent ce "départ-urgent", l’enthousiasme s’envole et des exclamations fusent dans toutes les langues parlées du coin.

Kumi, le toubib, pronostique que Kabila ne reviendra pas avant sept jours.

En fait, il était là cinq jours plus tard.

(Avec Benjamin Babunga, via www.babunga.alobi.cd)