Par Benjamin Babunga
Ce que les réseaux sociaux m'ont apporté de plus précieux, ce sont ces échanges avec des personnes du monde politique comme du milieu académique, avec lesquelles les discussions se transforment parfois en véritables moments d'apprentissage.
Je viens d'ailleurs de passer près de trois quarts d'heure particulièrement enrichissants à échanger avec un expert en questions militaires, ancien membre des Forces Armées Congolaise (1998–2003) et aujourd’hui actif dans le secteur de l'armement en Occident.
Voici quelques enseignements clés que je retiens de cet échange avec cet expert :
1°) Felix Tshisekedi pense qu'il est trahi, or ce n'est pas le cas. Les généraux congolais n'ont aucune idée de la guerre du 21ème Siècle, qui est une combinaison de plusieurs facteurs : les drones, les brouillages et les contre-mesures électroniques, les munitions guidées et intelligentes, les nouvelles tactiques de combat d'infanterie (où on privilégie l'usage d'unités légères et mobiles, à l'échelon de peloton, car cela facilite les infiltrations et les débordements).
Malheureusement, dans cette guerre, tu as en face les FARDC qui utilisent toujours des unités lourdes, difficilement manœuvrables, à l'échelon bataillon, régiment, brigade. Nombreux sont devenus généraux sans avoir été formés, du coup ils ont du mal à comprendre ces choses qui font la guerre au 21ème Siècle.
2°) L'acquisition des matériels militaires est le talon d'Achille des FARDC.
On confie ces tâches sensibles à des personnes sans aucune expérience ni connaissance militaires, généralement proches du Président de la République (Kao Mandungu, Jacques Tshibanda, Pasteur Shekinah, etc.).
Ils ont créé des sociétés écrans, agrées par le Ministère de la Défense et l'Etat-major général des FARDC pour acheter des armes et matériels militaires.
Dans leur travail, ils n'associent presque pas les experts de la Direction logistique des FARDC (G4), ni ceux de la Direction logistique du Ministère de la Défense. Conséquence : surfacturation, matériels inadaptés, matériels souvent vieux (comme les gilets pare-balles périmés d'origine serbe, qui ont causé de nombreux morts dans les rangs des FARDC lors de la bataille de Goma).
3°) L'AFC/M23 avait pris tout son temps pour mener l'offensive de la pleine de la Ruzizi.
Ils avaient d'abord besoin d'une masse critique en effectifs, ce qui allait leur permettre d'égaliser et dépasser les troupes de la coalition formée autour des FARDC.
Ils avaient aussi besoin d'acquérir des drones kamikazes "Filoguider" à fibres optiques FPV (qui sont invulnérable face au brouilleur de drones que les FARDC ont acquis en Inde).
Ces drones kamikazes ont détruit les différents convois logistiques qui quittaient Uvira pour ravitailler Luvungi en munitions, carburant et vivres.
Une fois la logistique FARDC neutralisée, la bataille de Luvungi était perdue.
Autre chose : il était nécessaire d'avoir des pièces de rechange pour remettre en marche tous les chars T-55+T-59, véhicules blindés Batt UMG, M53/59 Praga, les véhicules blindés BMP-1, ainsi que les pièces d'artillerie de 105 mm, 122mm, 130 mm, 152 mm, les mortiers des différents calibres (60mm, 81mm, 82mm, 120mm), et surtout les redoutable lances roquettes multiples longue portée bastions 122mm (ukrainiens) et RM-70 (tchèques) récupérés essentiellement à Goma.
40% des équipements lourds des FARDC étaient stationnés à Goma et à Bukavu.
La rébellion qui a hérité de ce puissant arsenal devrait le remettre intégralement en marche, avec des pièces détachées et des experts.
Selon mes informations, ce sont des ingénieurs éthiopiens qui ont discrètement remis en état cet arsenal.
Honnêtement, avec toutes les armes lourdes et les munitions récupérées à Goma, Mubambiro et Bukavu, l'AFC/M23 peut continuer son combat pendant encore plusieurs années, même sans l'aide du Rwanda et de l'Ouganda.
4°) Tout avait été bien calculé avant l'offensive d'Uvira :
(1) Les nouvelles troupes avaient terminé leur formation (7.500 hommes de Rumangabo, +9.700 hommes de Chanzu, 8.000 éléments de Mubambiro, +6.000 éléments formés à Rwindi, soit au total d'environ 30.000 hommes formés uniquement au cours de l'année 2025).
(2) Moyens aériens : offensive avec les drones FPV Filoguider et les drones bombardier baba yaga (qui peuvent balancer des obus de 82mm et 60mm) avaient été acquis en nombre suffisant.
(3) Les blindés, les chars lourds ainsi que l'artillerie lourde, devenue complètement opérationnelle pour maximiser la puissance de feu.
(4) Mise en place du dispositif anti-aerien pour neutraliser et affaiblir l'aviation des FARDC. Une fois que les 4 préalables avaient été réunis, la chute d'Uvira était inéluctable.
Les USA ont des informations sur tout ça. Voilà pourquoi ils s'activent à stopper l'AFC/M23 dans son élan, car ils savent pertinemment que le mouvement peut aller trop loin si tout doit se jouer sur le terrain militaire.
5°) Le M23 a aujourd'hui des unités de drones au sein de ses bataillons, comme c'est le cas au sein des RDF, ou encore de l'UPDF.
Ils ont des obus intelligents et guidés, les fameux Soltam israéliens. Ils sont efficaces dans les tirs de contre-batterie.
Grâce à ces obus guidés, ils ont réussi à neutraliser l'artillerie lourde des FARDC lors de la bataille de Kamanyola.
Autre facteur de supériorité : les batteries anti-aériennes installées dans les hauteurs, ainsi que les appareils de brouillages et des contre-mesures électroniques qui neutralisent les communications haute, basse et moyenne fréquences de notre armée (FARDC), qui malheureusement a un nombre limité de radios cryptés.
Ce système de brouillages réduit considérablement l'efficacité de nos forces aériennes.
Par Benjamin Babunga